Au cours de mon dernier voyage en Toscane pendant les vendanges 2017, j’ai cru remarquer une tendance retour aux traditions. Suite aux nombreuses discussions et dégustations, ce retour aux sources semble rehausser le niveau de qualité et de typicité de cette réputée région.
Les visites furent concentrées dans les réputés districts du Chianti Classico et du Brunello di Montalcino. Il devient évident que ces deux appellations tirent la région dans une direction favorable en produisant des rouges avec davantage de caractère et de potentiel de garde.
Années 70 et 80 : Super Toscans
Dans un premier temps, nous devons remercier la famille Antinori pour son courage et sa vision. Au début des années soixante dix, Piero Antinori se permet de défier les règles de production du Chianti Classico en refusant d’inclure certains cépages blancs dans l’assemblage habituel exigé. Pour tourner le fer dans la plaie, Piero remplace les variétés locales par des cépages internationaux tels que le cabernet sauvignon et le cabernet franc. Son approche technique plus moderne et l’ajout de cépages internationaux modifie le style du Chianti et son potentiel de garde. Sauf que son Chianti du domaine Tignanello perd l’appellation et devient un simple «Vino da Tavola». L’audace d’Antinori provoque la création d’une catégorie non officielle qui prendra de l’ampleur pendant les vingt (20) prochaines années : les «Super Toscans».
De toute évidence cette mouvance de modernisme modifie le caractère de nombreux vins Toscans. Dans certains cas, de façon évidente, vers un style plus nourri, plus extrait. Des vins issus de raisins mûrs offrant davantage de couleur, de matière, de structure et de corps. Certains prétendent que cette tendance de modernisme s’éloigne du style traditionnel avec des vins qui ont perdus leur identité! Plusieurs producteurs expérimentent, mais certains demeurent fidèle au style classique et ne suivront pas la mouvance du temps.
Ce modernisme offre tout de même certains avantages : fini les vins minces, acides et sans potentiel de garde. Les techniques de vinification modernes jumelées à l’ajout de cépages internationaux permet de produire des rouges avec davantage de matière, de profondeur et de potentiel. Malgré le niveau de qualité d’ensemble amélioré, l’identité et la typicité du Chianti semblent diminuées. Quelques producteurs non vendus à l’idée cherchent dans le passé afin de renforcir leur identité tout en développement une méthode qui allie favorablement le modernisme et la tradition.
Années 90-2000 : Retour de cépages anciens
Une nouvelle direction s’impose afin de maintenir le niveau de qualité amélioré grâce aux techniques modernes et retrouver la typicité et l’âme du terroir du Chianti Classico. Également important sera de regagner l’équilibre du Chianti et son cépage Sangiovese : maintenir l’acidité attendue tout en évitant la surextraction de raisins surmuris.
Chez San Felice, Leonardo Bellacini fait ses devoirs! Dans les années 80, avec le support du Ministère de l’Agriculture et l’Université de Florence, Leonardo entreprend des recherches ampélographiques pour identifier les meilleurs clones de Sangiovese, le cépage phare de l’appellation, et retracer certaines variétés locales que l’on croyait disparues. Dès 1992 il ramène dans le paysage viticole toscan certaines variétés oubliées tel que les Pugnitello, Abrusco, Mazzese, Ciliegiolo et Malvasia Nera. Utilisés principalement comme complément au Sangiovese, quelques producteurs osent créer des cuvées issues uniquement de ces cépages antiques. Dégustés chez San Felice tout dernièrement les millésimes 2011 et 2013 du Pugnitello, des rossi bourrés de caractère qu’il faut découvrir.
Élégante typicité!
Lors des visites de septembre 2017 une tendance vers des vins plus élégants m’a semblé évidente. Tout en offrant une matière bien présente et une solide structure, les derniers millésimes du Chianti Classico proposent des vins dotés d’une belle typicité. Cette tendance m’a semblée palpable au Castello di Brolio. Le travail accompli par le doué viticulteur/vinificateur Massimiliano Biagi est remarquable. Les nombreuses recherches et expérimentations jumelées au souci du détail et la passion de Massimiliano ont engendrés des vins débordant de caractère et de potentiel. Afin de confirmer cet accomplissement il s’agit de gouter le Colledila 2013 Chianti Classico. Issu d’une parcelle unique, ce rouge s’avère une superbe expression du Sangiovese/Chianti Classico : riche, frais et équilibré. Tout simplement magnifique!
Brunello di Montalcino en ascension !
Cet icone de la viticulture italienne doit sa réputation au travail acharné et au dévouement de la maison Biondi-Santi. Le premier flacon sous le nom de Brunello di Montalcino de Biondi Santi apparait en 1865. Pendant plus de cent ans, la Tenuta Greppo de Biondi-Santi, sera la locomotive de cette région. L’appellation sera récompensée en 1980 lorsque Brunello di Montalcino deviendra la premier vin de niveau DOCG (Denominazione di origine controllatta e garantita) d’Italie. Soudainement Brunello di Montalcino rejoint l’élite viticole mondial.
Cette ascension soudaine provoque une frénésie. Afin de combler la demande croissante la région permet l’expansion du vignoble de Montalcino. D’approximativement 25 producteurs en 1970, elle passe à 53 en 1980, pour atteindre plus de 250 domaines aujourd’hui. L’appellation Brunello di Montalcino passe de moins de 100 hectares à plus de 2000 à ce jour. Un développement si rapide n’est pas sans inconvénients. Pendant les années 80 et 90 beaucoup de vins sont issus de jeunes vignes parfois plantées dans des terroirs peu enclins à produire de grands Brunelli. Le niveau de qualité parfois douteux engendre une baisse de prix. Personnellement, pendant cette période, et jusqu’à tout dernièrement, plusieurs Brunelli m’avaient laissés sur ma soif.
De retour au sommet !
Lors des visites de septembre à Montalcino, le niveau de qualité d’ensemble s’est avéré plutôt élevé. Plusieurs maisons visitées ont produits des Brunelli offrant matière, structure, équilibre, potentiel et surtout cette élégance attendue, signature de l’appellation. Brunello di Montalcino semble en voie de reprendre sa place au sommet de la pyramide qualitative italienne !
Afin d‘obtenir l’aperçu le plus complet possible de la région de Montalcino, un choix de producteurs provenant de communes et terroirs des quatre coins de l’appellation furent choisis. Parmi les vins dégustés les producteurs suivants ont démontrés une niveau de qualité remarquable : La Gerla, Donatella Cinelli Colombini, Campogiovanni, Castello Banfi, Fattoria dei Barbi et Biondi-Santi.
Bien positionnés !
Le prix du Brunello est à la hausse! Malgré son prix élevé, plusieurs Brunelli continuent d’offrir un excellent rapport prix-plaisir. Pendant la récession des années 2000, les prix baissent légèrement, mais depuis cinq ans, remontent en progressant raisonnablement. Au cours d’une rencontre avec le président du Consorzio Brunello di Montalcino Patrizio Cencioni, et ses deux vice-présidents, le prix moyen d’un Brunello leur semble bas lorsque comparé aux grands vins issus de régions réputées tels que Bordeaux, Bourgogne et Napa Valley. Devant l’avarice de ces régions prestigieuses, espérons que Montalcino demeure sage quant aux prix et devienne une rare appellation prestigieuse à vous en donner pour votre argent.
Brunello di Montalcino se retrouve dans une position enviable lorsque comparés à l’élite mondial. Souhaitons que Brunello désire devenir LE grand vin disponible et accessible à tous les amateurs de crus réputés et non réservé aux gens «Riches et Célèbres», comme c’est le cas avec les grands crus de Bordeaux, Bourgogne et Napa Valley.
La Toscane vie une période de transition particulièrement avantageuse. Profitons de cette qualité à la hausse et dégustons ces crus particulièrement savoureux et complexes.
Nick Hamilton
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